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Stop & Go
Carnet de voyage Paris-Istanbul
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Grâce au carnet de voyage, vous pourrez nous suivre à travers nos différentes étapes. Ces récits ne couvriront évidemment pas l'intégralité de notre voyage : chaque binôme vivra des aventures contrastées au gré des voitures qui s'arrêteront pour eux ! Mais à raison d'un récit par jour (chaque participant écrira au moins un fois le récit de sa journée) et des impressions de chaque ville-étape où nous nous retrouverons, nous espérons vous donner une vision variée et complète de ce que nous vivons.
24 mai : Paris-Freiburg
Le départ de Paris est de l'avis de tous la chose la plus difficile, car comme chacun le sait il y a quand même plus sympa sur les routes qu'un Parisien sur le périph’. Lever a 6h donc, pour cette grande étape de 500km. Les binômes se rejoignent devant Sciences Po. Au programme, distribution des carnets de bord (le carnet avec les infos utiles pour chaque étape, comme mini-guide touristique, mais qui contient aussi l’adresse de l'auberge et le numéro du consulat et des urgences), t-shirt stop and go et autocollants Driver of the day, que nous donnerons en souvenir à nos généreux conducteurs. Pour ma part, je me rends avec Julie à Porte d'Italie. Une voiture nous emmène à Rungis, en pensant que les routiers sont des gens sympas. Vrai, mais à Rungis on n’a pas tant eu l'occasion que ça de leur parler. On a donc été pris par une autre voiture, qui retournait sur Paris. Sauf que bon prince, ce quadragénaire décide de nous déposer dans l'autre sens, vers l'autoroute du Soleil. Salvateur : en 10 min on trouve un 4X4 BMW, qui est en route pour Mulhouse ! Petit voyage tranquille donc, bonne musique de surcroît. À Mulhouse, on retrouve un autre binôme sur une aire d'autoroute. À peine arrivés, un type propose de nous emmener, spontanément, tous les 4. Ce polonais de la légion étrangère discute en russe avec Dmitry, comme si de rien n’était, et fait même un gros détour pour nous déposer a Fribourg. On peut enfin visiter, acheter de la bonne bière et se reposer le soir dans le gymnase prévu pour la nuit. Une journée longue, une étape difficile (un binôme est resté au F1 près de Strasbourg..), mais rassurante en ce qui nous concerne, Julie et moi. On ne pourra pas en dire tant du lendemain, mais je la laisse vous le raconter...
Gaëtan
25 mai : Freiburg-Lindau
Nous partons presque tous de Fribourg avant le déjeuner. Gaëtan et moi nous dirigeons vers la sortie de la ville et après peu d'attente, une voiture conduite par un couple allemand un peu hippie accepte de nous emmener jusqu’à Titisee. Un couple adorable, qui nous parle de la France car leur fille y a fait une partie de ses études. Après un deuxième stop assez court vient un troisième : un grand camion s’arrête sur le bord de la nationale. C'est un routier roumain, avec qui on échange quelques paroles en anglais et qui nous dépose malheureusement en pleine autoroute. Sur la bande d’arrêt d'urgence, nous essayons de marcher jusqu’à une aire de repos mais même avant de la trouver, une voiture de police allemande nous ramasse... Logiquement, nous aurions dû payer une amende de 20€ mais ils ont été gentils et nous ont juste déposés sur la route B31 qui mène directement vers Lindau. A partir de là, deux voitures, sur la route qui longe le Bodensee. Plusieurs équipes ont emprunté cette même route avec vue sur le Bodensee. A la hauteur de Friedrichshafen, nous montons dans un van dans lequel nous retrouvons l’équipe de Yann et Flora, et le couple de conducteurs croato-bosniaque accepte même de prendre une troisième équipe : Marc et Zoé. À 6 à l’arrière donc, nous arrivons a Lindau et après une longue marche au bord du lac et sous la pluie, nous arrivons au camping. Malgré le mauvais temps, nous plantons tous les 6 nos tentes. Nous nous retrouvons au final pour 16 d'entre nous dans cette petite ville de Lindau, au bord du Bodensee, dans le même camping. Après avoir regardé la finale de la ligue des champions tous ensemble avec les autres campeurs, petite ballade nocturne au lac, et tentative d'allumer un feu... La nuit se passera sous la pluie, en ce qui nous concerne la petite tente prend l'eau en peu de temps et nous sommes obligés de décamper dès 5h30 du matin. Direction Munich!
Julie
26 mai : Lindau-Munich
Le bruit incessant de la pluie contre la toile de tente nous réveille en douceur vers 8h du matin dans le camping de Lindau am See. J'ai bien dormi grâce à un emmitouflage méthodique, mais ce n'est pas le cas des 16 autres stoppeurs qui ont également passé la nuit dans ce camping. Flora et Yann n'ont pas moins de 3cm d'eau dans leur tente tandis que Gaëtan et Julie, littéralement frigorifiés, ont levé le campement dès 5h30 du matin. Ce n'est pas la météo que nous imaginions pour ce voyage et nous sommes relativement mal équipés face à la pluie et au froid, ce que nous regretterons amèrement pendant les 2 semaines à venir.
Nous prenons notre petit-déjeuner au sec et tous ensemble dans une salle commune que nous prête le camping. Nous profitons avec joie des douches chaudes avant de nous lancer dans la confection de pancartes. L'objectif : être à Munich le soir même, ce qui laisse de la marge pour quelques fantaisies étant donné le faible kilométrage et l'efficacité du stop chez nos voisins germaniques. Avec Jérôme, mon binôme, nous avons l'intention de passer par les routes de campagne, bien plus agréables que l'autoroute dont nous commençons sérieusement à nous lasser, et fabriquons en conséquence une pancarte Kempten. Comme nous avons eu le temps de voir la ville la veille, nous quittons les autres qui vont visiter le charmant port de Lindau et nous dirigeons directement vers la sortie de la ville.
Nous trouvons celle-ci facilement, mais à peine arrivés au spot des trombes d'eau nous tombent sur la tête. Mon mince K-way, rangé dans mon sac à Paris en pensant que de toute façon il ne pleuvra pas, paraît bien ridicule face aux éléments et me voilà intégralement trempée. Pour nous donner du courage, nous commençons à chanter énergiquement au feu rouge où nous stoppons. Nous voyons alors un couple d'une quarantaine d'années, arrêtés à ce même feu rouge, nous prendre en pitié alors qu'ils nous avaient adressé un geste de refus quelques secondes auparavant. Nous voici donc à l'abri après quelques minutes (brèves mais intenses) sous l'averse. Quand nos chauffeurs du jour nous annoncent aller à Munich par l'autoroute mais pouvoir nous déposer à Kempten, une hésitation nous prend. La vision de la pluie torrentielle par le pare-brise suffit à nous faire renoncer aux routes de campagne, et nous choisissons de profiter de cette aubaine pour aller directement à Munich. Pendant les 2h de route, le couple nous conseillent sur les choses à ne pas manquer dans la capitale bavaroise, et en particulier sur ses Biergarten. Dans un élan de générosité et pour notre plus grande joie, nos conducteurs nous déposent même à l'entrée du camping où nous avons prévu de dormir les deux nuits suivantes.
Il pleut toujours des cordes et la faim se fait sentir. Nous allons donc déjeuner au restaurant du camping en attendant que la pluie cesse pour pouvoir monter notre tente au sec et partir tranquillement dans le centre de Munich. Mais la météo se joue de nous et à 18h, nous n'avons toujours pas eu les 5min d'éclaircies nécessaires pour planter la tente. Comme nous ne nous décourageons pas face aux difficultés, nous décidons d'élaborer une nouvelle stratégie. Nous montons donc la tente sous la terrasse couverte, puis la déplaçons telle quelle jusqu'à une pelouse. Les autres binômes nous rejoignent au compte goutte et adhèrent à notre stratégie de montage de tente, qui s'avère efficace. Certains, découragés par cette météo plutôt maussade, préfèrent se rendre à l'auberge.
Nous profitons de ce moment pour partager nos aventures, déjà nombreuses en 3 jours de voyage et retrouvons même Shadé et Emmanuel que nous n'avions pas croisé depuis le départ de Paris, car ils n'avaient pas réussi à relier Fribourg le premier jour. Nous renonçons finalement à sortir à Munich et entamons la préparation d'un risotto pour 20 personnes, pour un repas convivial au camping. Après avoir négocié le prêt d'une grande casserole au restaurant, nous nous lançons en cuisine avec Lara. La préparation sur des plaques à gaz qu'il faut payer à la minute (comme tout le reste dans ce camping, y compris l'eau chaude au robinet) se révèle fastidieuse mais amusante. Nous nous attablons joyeusement avec de la bière, et accueillons pendant le dîner Yann et Iman, arrivés tardivement à Munich après quelques détours par Stuttgart et Nuremberg. Lorsque la salle commune ferme ses portes, nous nous rassemblons dans les sanitaires (seul endroit chauffé du camping) pour y finir la soirée tous ensembles et dans la bonne humeur. Il y fait tellement chaud que Lara et Flora décident de délaisser leur tente humide pour aller dormir dans les douches. La pluie aura assurément contrarié nos plans mais n'aura pas réussi à gâcher cette journée qui me laisse quelques beaux souvenirs !
Auberie
27 mai : Munich
Emmène-moi à Munich-city
Emmène-moi où il y’aura des lits,
Car il me semble que la bière,
Est bien meilleure en pays de Bavière !
Après la dure nuit de froid au camping de Lindau avec Nicolas, cette chanson résume assez bien nos faibles attentes envers Munich avant notre arrivée. Il faut dire qu’on n’a pas été déçus sur ces points-là, et on aura eu droit à bien plus.
Dimanche soir donc, notre 2e conductrice de la journée avait décidé d’être très très gentille avec nous, et de faire un détour pour nos déposer juste devant la porte de la maison de ma tante, chez qui on devait habiter pour ces 2 jours. Le reste de l’équipe s’est installé durant l’après-midi, soit au camping, soit à l’auberge pour ceux qui n’avaient pas du tout réussi à dormir la nuit d’avant. En tout cas, personne n’était en retard, et on a même retrouvé Shadé et Emmanuel, qu’on n’avait pas vu depuis qu’ils étaient resté bloqués 10h à Paris lors du départ vendredi.
Après nous être installés, on a voulu faire un tour dans le centre ville, mais le vent, la pluie et les 4°C ont largement contribué à ce que personne ne veuille sortir au final. On s’est donc retrouvé à l’auberge, pour une petite soirée avec des bordelais rencontrés là-bas. C’est là que les prix nous ont encore une fois frappés, autant pour les boissons que pour les repas : c’est moins de la moitié des prix parisiens !
Bref, après cette très bonne nuit passée dans un vrai lit, on s’est mis en route de bonne heure pour profiter de notre seule journée complète à Munich. On a donc commencé par se ballader au centre ville (Marienplatz) jusqu’à une brasserie gigantesque, où on s’est arreté pour manger des Bratwürste et des Wienerwürste. Pas les meilleures du monde, mais l’ambiance était vraiment sympa, et ça nous a permis de nous retrouver presque au complet pour discuter de la prochaine étape. Chacun a ses petites idées et finit par trouver un plan qui lui plaît, pour aller barouder dans le Tirol, passer une journée à Prague, faire une randonnée d’un jour à Salzburg ou encore un camping sauvage le long du Danube. L'ambiance dans le groupe est top, les binômes changent facilement, et tout le monde est surmotivé, maintenant qu’on sait qu’il va bientôt faire près de 20°C !
On a pu ensuite se balader encore un peu dans la ville, aller voir la Frauenkirche, l’opéra et les bâtiments du parlement bavarois, avant de rentrer pour un petit before avant de sortir le soir. C’est vrai qu’au niveau architectural, Munich n'est largement pas aussi jolie que Lindau et Freiburg. Mais ça n’a rien d’étonnant quand on sait que la ville a été largement détruite pendant la guerre, et reconstruite dans un style un peu faux-vieux.
Le soir, on s’est joint à une soirée de promo des étudiants de première année de médecine de la Ludwig Maximilian Universität. Boîte pleine et ambiance au top : bonne soirée !
Kerstin
28 mai : depart de Munich
Après la très bonne soirée de la veille, la plupart des binômes prennent leur temps ce matin là pour se préparer et se mettre en route. Certains décident de partir au nord vers Prague, d’autres de descendre vers les montagnes du sud de la Bavière tandis qu’Emma et moi décidons d’aller vers l’est pour rejoindre la ville de Passau. Nous avons 3 jours pour aller jusqu’à Vienne c’est donc pour l’instant la plus grosse étape de notre voyage.
Nous quittons le camping aux alentours de 12h puis nous rejoignons l’autoroute au nord de Munich en métro. A l’égal des autres grandes villes, la première voiture est difficile à arrêter ! Après 1h30 d’attente, un premier jeune d’une vingtaine d’année nous emmène dans la direction de Passau. Il nous laissera une centaine de kilomètres après Munich. De nombreuses voitures vont désormais se succéder pour nous faire avancer d’une vingtaine de kilomètres à chaque fois. Pour la première fois du voyage, nous circulons sur une route nationale et non une autoroute ce qui permet de nous rendre compte qu’il est beaucoup plus facile de stopper sur ce type de route et que les voitures hésitent beaucoup moins à s’arrêter. On arrive finalement vers 18h30 dans la jolie de ville de Passau, à la frontière autrichienne. Deux autres binômes composés d’Iman et Benoit et de Caroline et Emmanuel finissent par nous rejoindre vers 20h. Se pose alors rapidement la question de l’endroit où passer la nuit sachant qu’il est plutôt difficile de faire du camping sauvage en pleine ville. Nous nous mettons ainsi d’accord pour aller aborder des étudiants dans un parc proche de l’université. Ces étudiants, qui nous prennent d’abord pour des clandestins Tchèques ayant passé la frontière, acceptent de nous aider à chercher un camping. C’est un jeune couple qui nous accompagnera jusqu’à notre camping situé au bord de l’Ilz, l’une des trois rivières qui traversent la ville avec le Danube et l’Inn. Nous montons la tente sous la pluie et nous allons nous coucher !
Yann T.
29 mai : Munich-Vienne
Arrivés la veille vers minuit dans ce camping du sud de la Bavière, Dmitry et moi nous étions endormis en dessous d’un ciel dénué de tout nuage et constellé d’étoiles, une vision qui avait ravi nos yeux de citadins habitués à des astres bien plus timides. Ce matin c’est sous les nuages et la bruine que nous nous réveillons. Nous avions planté notre tente dans la ville de Berchtesgaden près du lac de Königsee dans l’espoir de profiter de beaux paysages montagneux et de faire un peu de randonnée. Après un petit déjeuner typique (une soupe de goulasch en conserve), nous partons à l’attaque des monts bavarois.
Le chemin est long mais pas question de prendre le bus. C’est à pied que nous commençons notre route, à pied que nous continuons et à pied que nous nous perdons en prenant le mauvais chemin. Peu importe, les maisons bavaroises par lesquelles nous passons sont charmantes, les gens sont accueillants et le soleil nous accompagne. Nous finissons par trouver la bonne route, celle qui mène vers l’Eglise St Bartholomé, et c’est parti pour 2h30 de montée dans des décors qui rappellent le film « La mélodie du bonheur ».
Si au début il fait beau, il fait chaud, très vite les températures alpines se font ressentir. Nous trouvons même des traces de neige dans lesquelles nous pataugeons avec joie. Au bout d’un moment nous passons un petit tourniquet installé au milieu de la Nature. Il s’agit de la matérialisation de la frontière germano-autrichienne. Quel humour ces Allemands ! Après de longs efforts nous arrivons enfin à destination ! Enfin non, erreur de parcours, nous ne sommes pas arrivés à l’Eglise St Bartholomé mais à un charmant restaurant/halte pour randonneurs affamés. Il s’avère que l’Eglise que nous souhaitons atteindre se trouve encore à 2 heures d’ici en bas des montagnes si l’on suit un parcours de randonnée classé noir, c'est-à-dire le plus difficile réservé aux alpinistes confirmés. Bien. Après une halte bien méritée au restaurant, nous décidons qu’après tout 2 heures en descente même pour un parcours classé noir cela reste à la portée des deux jeunes hardis que nous sommes. La folie de la jeunesse.
On s’aperçoit assez vite que le parcours est prévu pour des randonneurs confirmés et équipés. En haut de ces montagnes aux sommets escarpés, nous avons une vue époustouflante du lac et du vide qui se déroule sous nos pieds. Mais nous n’en menons pas large. Nous nous retrouvons avec nos petites chaussures de marche et notre (ma) peur, à près de 2000 mètres d’altitude, nous tenant à un câble en fer installé le long des roches, les pieds glissants sur des pierres lisses et du bois humide. Parfois, la seule chose qui nous sépare du vide est une petite marche en métal incrusté dans la pierre. Dans un sens, c’est une expérience géniale de se retrouver si haut et si loin avec nos mains et nos pieds comme seule aide contre la gravité. Mais tandis que Dmitry est plutôt à l’aise et mitraille le paysage de son appareil photo, je suis assez peu rassurée. Surtout quand on tombe sur une plaque accrochée sur les roches au dessus du vide : «In Erinnerung an Rosa » en Français « en mémoire de Rosa ». Bien. Quelqu’un est mort à l’endroit où nous sommes, c’est parfait et tout à fait rassurant. J’évite de regarder en bas pendant un bon moment.
Finalement, après pas moins de 2heures et demi supplémentaires de marche à travers montagnes et forêts, nous arrivons enfin au lac (quelle joie de toucher l’eau) et à la fameuse église St Bartholomé. Elle paraissait si petite de loin, quand nous étions sur les montagnes. C’est une charmante église aux murs clairs et à la coupole rouge qui rappelle les mosquées. Nous entrons, prions Dieu, Yahvé, Allah et Bouddha pour nous avoir empêchés de finir comme cette pauvre Rosa (paix à son âme) et repartons vers notre camping en bateau (pas question de refaire le trajet dans l’autre sens. Non.) Pour fêter cette journée épique et pleine de mésaventure, nous dégustons des spaghettis en conserve dans l’obscurité du camping.
Ce fut une journée mémorable.
Shadé
30 mai : arrivee a Vienne
Les trois binômes ayant fait escale a Prague se réveillent plus ou moins tardivement après leur visite nocturne de la capitale, tellement plus belle sans ses touristes. Après avoir pris un copieux petit déjeuner, on effectue les repérages sur google maps, à la recherche du Graal de l'auto-stoppeur en zone urbaine: la station service avant l'autoroute. Avec mon binôme Julie nous prenons le métro, croyant avoir repéré le lieu idéal. A peine arrivés là-bas, on se rend compte que l'autoroute comme la station service ne sont pas accessibles. Personne ne peut nous diriger, notre niveau de tchèque étant assez limite. Heureusement on tombe sur un monsieur qui parle anglais et nous conseille de reprendre le métro. On arrive alors a un grand centre commercial de la banlieue de Chodom. Le contraste est surprenant entre les immeubles soviétiques et le centre commercial aux affiches racoleuses pour des marques allemandes, anglaises ou françaises. Apres quelques errements, on trouve enfin l'aire d'autoroute, sur laquelle quelqu'un stoppe déjà. Heureusement il ne va pas dans la même direction et nous partons rapidement avec un homme d'affaires. Il doit nous déposer sur l'autoroute de Brno, deuxième ville de Republique Tcheque. On discute, il laisse passer plusieurs aires, soit disant car il veut nous deposer plus loin. Au final il doit sortir et nous dépose sur une aire eloignée, qui ne mène pas a Brno. Moralité : ne pas prendre de risques pour 10 km. On se voit attendre des heures a cette station, mais le miracle se passe et un monsieur nous propose de nous ramener sur l'autoroute. On a du mal à communiquer mais il nous parle de lui, de sa famille et nous fait découvrir le rock tcheque, un grand moment!
Notre conducteur suivant est un routier slovaque, il va vers Vienne par les nationales. On est bien installés en hauteur, les jolies petites routes nous bercent et on finit par s'assoupir. Il nous laisse peu avant la frontière tchequo allemande. On patiente une petite heure, il est tard et les hongrois semblent peu enclins a prendre des auto stoppeurs. Finalement un jeune homme en camionnette veut bien nous prendre, après nous avoir demandé si nous avions eu des démélés avec la police: apparemment on ressemble a Bonnie and Clyde en cavale...
Il est pilote de moto cross et voyage beaucoup en Europe pour des compétitions: malheureusement ça se ressent dans sa conduite sous la pluie, on n'est pas tout a fait sereins. On arrive par miracle sains et saufs a Vienne, apres quelques jolis aquaplanages. Un kilomètre avant la frontière autrichienne, on observe le côté obscur de la libre circulation de Schengen: des "boîtes de nuit ouvertes 24/7" et autres hôtels de charme...
On rejoint tout le monde dans un restaurant pres de l'auberge et on se raconte nos nombreuses péripéties. Demain nous visiterons Vienne!
Yann R
31 mai : Vienne
Les esprits pleins de souvenirs munichois, nous reprenons les routes sous le soleil du matin. Les binômes s'entrecroisent à la sortie de Munich, certains partant rapidement et d'autres un peu moins.
Le voyage jusqu'à Vienne permet à chacun de découvrir l'Autriche à son rythme, de Passau aux Alpes en passant par Salzbourg ou la République Tchèque. Bien que souvent présentée comme la jumelle de son voisin allemand, les conducteurs nous ont montré qu'elle avait aussi ses particularités. Les autrichiens sont de façon générale plus réservés, certains diraient même snobes, mais une fois les premières paroles échangées ils se révèlent très chaleureux. De nombreux binômes ont reçu des cadeaux de conducteurs par exemple. L'accent autrichien peut également être surpenant, voire incompréhensible pour les quelques germanophones du groupe, signe des premières difficultés linguistiques du voyage.
Nous arrivons donc à Vienne, capitale européenne de la culture où jadis flannait Stephan Sweig dans ce qui était de la capitale artistique du XIXème siècle. Dans cette ville remplie d'histoire, nous retrouvons le fil rouge de notre voyage, la pluie. L'endroit et la météo forment donc une combinaison idéale pour profiter au maximum des musées. Cependant nous réalisons rapidement que leurs prix prohibitifs ne nous permettront pas de jouir entièrement des richesses culturelles de la ville. Il faut même payer pour rentrer dans le labyrinthe des jardins du château de Schönbrunn ! On voit ainsi le décallage des politiques culturelles européennes, entre "la culture pour tous" à la française et la montée du "business culturel" pregnante dans toute l'Europe. En revanche l'accès à la musique est bien plus facile, avec de multiples propositions de concerts et des entrées a l'opéra pour seulement 4 euros. De plus, si le temps avait été meilleur, nous aurions sûrement pu apprecier de nombreux concerts de rue, vantés et adulés par tous les Viennois.
La position centrale de l'Autriche en Europe permet de rencontrer des gens de tous horizons. Dans Vienne se côtoient des allemands, des tchèques, des turcs ainsi que de nombreux touristes d'Europe de l'Ouest. Tous ces européens sont à Vienne pour des raisons familiales, économiques ou bien touristiques, transformant la ville en un grand meltingpot européen. Ce multiculturalisme fait la force de la ville qui y puise son identité et ses charmes.
Au moment de l'arrivée dans la soirée du 30 mai, le groupe se rassemble autour d'une bière bien méritée et de Käsespätzle, specialité viennoise à base de pâtes, de fromage et d'oignons. C'est l'occasion d'échanger sur les différentes expériences vêcues durant la première "grosse" étape du voyage. Après une bonne nuit de sommeil dans l'auberge, les uns partent visiter le chateau de Schönbrunn, résidence d'été des Habsbourg, alors que les autres préfèrent se ballader dans la vielle ville. Le soir, le groupe a pu profiter du ballet de Dom Quichote dans le grand Opéra de Vienne, ce qui aurait été impossible à Paris où les prix sont bien plus élevés ! Après une soirée de spectacle et une dernière bière, la nuit est bercée par les danseuses et danseurs viennois ainsi que par les souvenirs d'une ville au coeur de l'Europe, à la fois au niveau de son histoire et de sa place géographique.
Il est alors temps que les binômes se reforment, étudiant cartes et plans de métro pour s'échapper vers la prochaine ville, Budapest.
Nicolas
1er juin : Vienne-Budapest
Ce matin tout le monde se lève vers 9h à l'auberge de jeunesse de Vienne pour se préparer a repartir sur les routes, direction Budapest. Mais au moment de prendre la douche qui réveille, on s'aperçoit qu'il n'y a plus d'eau. Mauvaise nouvelle pour démarrer la journée... Cependant le soleil brille dehors et tout le monde a hâte de rejoindre la fameuse Budapest, ville largement vantée pour sa beauté, ses bains et sa vie nocturne. Sales mais motivés, les binômes rejoignent progressivement les abords de Vienne pour commencer à stopper. Comme d'habitude, la sortie de l'agglomération prend un certains temps mais finalement tous les participants trouvent une voiture a leur pouce.
Pour ma part je stoppe avec Mathieu aujourd'hui. Les premières personnes qui nous prennent sont une famille de trois roumains très sympathiques. On discute avec la soeur du chauffeur qui a une vingtaine d'années. Elle est arrivée à Vienne il y a deux ans pour étudier la psychologie mais elle ne pouvait pas assumer le coût de la vie autrichienne donc elle a abandonné son cursus pour devenir femme de ménage. Elle aimerait desormais reprendre des études d'esthétique. Ils nous déposent a la frontière austro-hongroise. Nous trouvons rapidement une autre voiture conduite par un grand-père adorable mais qui malheureusement ne parle pas anglais (et aucun de nous deux ne parle allemand). On ne peux donc pas beaucoup discuter mais c'est génial de voir que malgré la barrière de la langue (que l'on va surement regulièrement rencontrer dans la suite du voyage), on a réussi à se comprendre à peu près et à faire un bout de chemin ensemble.
Ensuite nous sommes montés avec un espagnol en route pour rendre visite à ses parents en Roumanie. Il devait nous laisser a l'entrée de Budapest à côté d une station de métro mais des travaux sur l'autoroute l'ont obligé à nous deposer finalement dans la zone industrielle du sud-est de Budapest. Comme nous sommes samedi nous avons marché 2 km au milieu des hangars déserts avant de trouver enfin une voiture qui nous fasse faire quelques centaines de mètres jusqu'à un arrêt de bus. On a ainsi traversé toute la banlieue avant d'arriver au métro puis de regagner l'auberge qui était reservée dans le centre ville. Très bonne surprise, l'auberge est pleine de monde, tres animée, il ne manque qu'un binôme (passé par Bratislava) et nous avons plein d'activités prévues pour la journée de demain.
Zoé
2 juin : Budapest
Malgré une rentrée tardive après une soirée où nous avons découvert à la fois les fameux bains de Budapest et ses nuits festives, nous nous levons quand même de bonne heure pour profiter pleinement de la ville. Nous avons à peine 24h pour découvrir les bords du Danube, le Parlement à l'architecture si fine, le château, le quartier des pêcheurs, la cathédrale, la grande synagogue (reproduction du temple de Jérusalem), et tant d'autres choses à la fois sur les rives de Buda et de Pest. Et sous le soleil s'il-vous-plaît ! Certains monuments, comme le mémorial de l'Holocauste, nous replongent dans l'histoire de la Hongrie. La ville est magnifique, mais au delà de ses beaux bâtiments une ambiance particulière et indescriptible s'en dégage. Nous avons véritablement un coup de cœur pour cette ville et nous voudrions rester bien plus longtemps. Heureusement il nous reste une deuxième soirée pour découvrir les célèbres ruins bars.
Budapest est la première ville ou nous avons senti un réel changement, témoin de la sortie de l'Europe occidentale. L'entrée en Europe de l'Est se matérialise notamment par la pauvreté qui se fait plus visible. C'est la première des nombreuses villes d'Europe que nous verrons pendant ce voyage où bâtiments délabrés nécessitant de toute urgence un ravalement de façade côtoient les immeubles chics et les anciens HLM communistes, tout particulièrement dans le quartier juif. Les mendiants se font plus nombreux dans les rues, bien qu'on en dénombre toujours moins qu'à Paris.
Le racisme à l'encontre des Tsiganes est également palpable. Ainsi l'immense majorité des mendiants font partie de la communauté des gens du voyage, et selon le dire de certains de nos conducteurs «ce n'est pas de la discrimination mais eux qui ne veulent pas travailler». Difficile à croire … Dans des arrières cours nous trouvons même quelques boutiques vendant des articles de l'ère nazie. Il ne faudrait cependant pas généraliser ces observations et réduire les Hongrois à un peuple raciste, car on serait loin de la réalité. Si le patriotisme est incontestablement un trait marquant de ce peuple, il est bien moins sûr qu'on puisse les qualifier de nationalistes.
Nous sentons d'ailleurs les Budapestois à la défensive sur ce sujet. Ainsi notre guide lors du free walking tour tient à conclure sa visite de la ville en nous appelant à constater que Budapest est une ville sans danger où les habitants sont accueillant et festifs, et à le répéter à ceux qui pensent que la Hongrie est un pays raciste. Un conducteur nous confie même se sentir humilié de la façon dont la Hongrie est traitée dans la presse internationale au sujet du gouvernement de Viktor Orban (extrême-droite).
Auberie
3 juin : départ de Budapest
Avec regret et l'envie de rester un ou deux jours plus, l'équipe quittait Budapest tôt le matin, direction la Croatie, motivée quand-même pour arriver à Plitvicka Jezera Lakes le soir. Après quelques heures l'idée se décantée comme un peu trop ambitieuse. Avec mon binôme, Yann T, on traversait l'asphalte environnement un station de gaz à la périphérie de Budapest pour quelques heures, en demandant aux gens pour un lift jusqu'à n'importe où. Les bonnes nouvelles étaient que il y'avait un MacDo juste à côté, pour nos besoins de déjeuner. On trouvait bientôt que plusieurs binômes était piégé aussi à proximité - un binôme a abandonné la cause pour l'instant et faisait du stop des chaises sur le terrasse du station du gaz. Enfin on trouvait un monsieur qui nous a ramené jusqu'au Lac Balaton en Hongrie. On a monté notre tente dans un parc de camping au bord du lac, et après la réalisation qu'on était plus ou moins seul dans le camping, on est parti à la recherche de nourriture. Par le nuit, on se retrouvait deux autres binômes qui est arrivées avec un peu de difficulté et beaucoup de faim.
Le plus grand lac de l'Europe centrale, le lac Balaton semblait un peu comme la vraie mer, des vagues et tout. J'adorais les chaises qui été placés au milieu du lac pour que des baigneurs de l'été peuvent prendre un petit pause.
Malgré les espoirs du matin, personne n'a prévue qu'on sera toujours en Hongrie à la tombée de la nuit, mais bon. La nuit était venteux et on a dormi sous la pluie, prêts à partir tôt le matin après pour la Croatie en espérant...
Uzma
4 juin : Budapest-Hvar
Cette longue deuxième journée de l'étape Budapest-Hvar a commencé pour Jérome et moi dans un camping plus ou mois désert sur les rives du Lac Balaton, en Hongrie. Nous avions en fait prévu de sortir de Hongrie la veille, mais cela s'est vite avéré problématique au vu des 5 heures d'attente auxquelles nous avons eu droit à la sortie de Budapest.
Optimistes, nous avions mis le réveil a 7h30, pour commencer à stopper tôt et être efficaces dans la journée, mais en entendant les trombes d'eau qui tombaient sur la tente, nous avons vite fait de nous retourner pour une heure de sommeil supplémentaire. Mais comme il a bien fallu partir, nous commençons à plier la tente vers 8h30, et l'homme le plus gentil de la terre vient nous amener le thé qu'il a préparé exprès en nous voyant sortir de nos tentes par ce temps. C'est d'ailleurs sûrement le seul habitant de ce camping a cette époque de l'année : un allemand de Leipzig, qui vient en Croatie parce que c'est bon pour la santé de ses chiens.
Ne voyant pas de bus arriver, nous commençons à stopper en direction de l'autoroute, et une voiture nous dépose assez rapidement à un embranchement, malheureusement plus ou moins désert. De là, après une demi-heure d'attente, une première voiture nous fait avancer de 20km sur l'autoroute, pour nous poser finalement sur la bande d'arrêt d'urgence, d'où nous devons marcher jusqu'à la sortie, parce que stopper sur l'autoroute, c'est mal, et ça ne marche pas vraiment de toute facon. Le seul problème, c'est qu'à l'embranchement sur lequel nous nous retrouvons, quelque part vers Balatonlelle, il n'y a que les travailleurs de la DDE Hongroise qui tondent les hautes herbes des faussés, et les seules voitures qui passent ne vont pas dans notre sens. Passablement désespérés, au bout d'une grosse heure, nous nous mettons donc à marcher sous la pluie vers le prochain village. En route, une très gentille dame qui ne parle qu'hongrois nous récupère pour nous amener à l'entrée d'autoroute suivante, grâce a une communication en langage des signes, assez peu élaborée mais de plus en plus performante depuis notre entrée en Hongrie. Seulement, il pleut encore, il n'y a toujours presque personne, et notre panneau est tellement trempé qu'on ne peut plus le lire. Suivant l'instinct de survie de l'autostoppeur en détresse, nous nous jetons littéralement à genoux sur la route devant le premier véhicule qui passe. Le conducteur a sûrement eu un peu de peine pour nous, puisqu'il a bien voulu nous accueillir dans l'habitacle (chauffé !) de sa camionnette jaune-LaPoste.
Arrivés a la dernière station service sur laquelle il peut nous déposer, nous prenons un déjeuner bien mérité, comprenant du pain, du saucisson et de l'eau. Cependant, la station sur laquelle nous nous retrouvons maintenant s'avère assez peu fréquentée elle aussi, et il nous faudra bien 4h d'efforts du pouce pour trouver finalement un camion qui veut bien nous faire traverser la frontière et même nous amener a Zagreb.
Ce camionneur Hongrois, en plus de parler un très bon anglais, s'avère être un véritable amour.
Juste avant la frontière, il doit s'arrêter dans un entrepôt de l'entreprise allemande Müller pour récupérer un chargement de glace au chocolat, et nous fait donc patienter une petite heure au son de sa playlist exceptionnelle (entre Lady Gaga, What a feeling et un peu de Queen, on a le choix !). Il s'arrête ensuite à nouveau pour nous faire desendre sur un parking un peu desert, pour que nous traversions à pied la frontière, puisque c'est interdit (et mathématiquement, on arrive à suivre le raisonnement) de transporter 2 autostoppeurs dans un camion qui n'a en tout que 2 places assises.
Nous partons donc joyeusement avec nos sacs à dos, comme si nous étions arrivés devant la frontière par miracle. Les douaniers, qui ont l'air impressionnants de loin (et dont nous savons qu'ils ne laissent pas passer notre gentil camionneur s'il n'oublie pas un petit "pourboire" de 5€ sur le sol de sa cabine à chaque passage) ont en fait été sympathiques et nous ont laissé passer avec un grand sourire.
Nous traversons donc à pied la Drava, rivière qui separe le Hongrie de la Croatie à cet endroit.
De l'autre côte, après avoir passé la seconde douane qui marque l'entrée en Croatie, nous trouvons même entre tous les bâtiments désafectés un petit bureau de change, qui veut bien nous échanger nos derniers Florins contre quelques Kunas croates (nous avons alors en poche l'équivalent de 7 euros...).
Notre camionneur (toujours anonyme à l'heure actuelle) nous retrouve après environ une heure d'attente, en nous expliquant que les papiers de la douane ne sont toujours pas prêts et qu'il faudra sûrement attendre encore un peu. Nous prenons donc un café avec lui et quelques-uns de ses collègues, qui ont apparemment aperçu d'autres binômes sur la route le même jour. Les papiers n'étant toujours pas prêts après notre café, nous discutons du quotidien de notre chauffeur, de sa vie a Zagreb, et de ses 3 aller-retours hebdomadaires entre Zadar et Budapest (en témoigne son passeport, entièrement rempli du même tampon). Il nous montre aussi des photos prises sur les routes autour de Sarajevo il y a seulement quelques années, qui paraissent réellement délabrées, voire dangereuses (ce qui s'avèrera heureusement faux quelques jours plus tard, puisque les nationales bosniaques sont en fait en très bon état : la rénovation semble avoir été rapide et efficace).
Nous pouvons finalement repartir, vers 19h, et roulons à allure de camion pendant encore 2h, en regardant le coucher de soleil sur la belle campagne croate et en discutant de la vie en France, que notre conducteur trouve surtout horriblement chère.
A l'arrivée a Zagreb, nous aurons droit à la dernière péripétie de la journée puisque, notre conducteur ne pouvant pas entrer dans la ville, il nous pose a un embranchement sur l'autoroute périphérique, nous disant qu'après 3 miles de marche, il y aurait une station service. Nous endossons donc nos sacs et nous mettons en route, derrière la glissière de sécurité bien évidemment, pour trouver effectivement cette station et pouvoir y prendre un dîner qui s'était bien fait attendre. En route, nous avons eu l'occasion de traverser un contrôle de police Croate. Les agents nous ont littéralement ignorés, alors qu'une minute plus tôt, nous venions de baisser la tête pour passer sous un panneau "autostop interdit".
Etant donné qu'à cette heure-là (22h30), il était impossible de continuer à stopper, que nous étions dans une zone industrielle, et que nous ne voulions pas nous éloigner de cet endroit PARFAIT pour repartir le lendemain, nous décidons de descendre explorer un peu la nature derrière la station service. Comprendre : un trou dans un grillage, puis une station d'épuration, derrière laquelle se trouvait un petit jardin, où nous installons notre tente pour la nuit sous un petit arbre, pour passer inaperçus. De toute facon, comme dit Jérôme, "c'est mieux qu'un camping, il y a les mêmes infrastructures, mais on ne paye pas !"
Après cette journée éprouvante, et somme toutes l'une des plus difficiles du périple, nous repartirons le lendemain de très bonne heure pour rattraper notre retard, et ce sera plus que réussi, puisque nous parcourons les 400km qui nous séparent de Split en une matinée, et arrivons a l'heure pour un déjeuner sur le port, 3h avant l'horaire prévu : comme quoi, ce voyage est surtout le fruit du hasard, et c'est bien ce qui fait son charme.
Kerstin
5 juin : arrivee a Hvar
Aujourd’hui, réveil matinal pour Nicolas, Flora L, Gaëtan, Emmanuel, Zoé et moi qui avions fait du camping suvage à 3 mètres de l’océan dans un petit cabanon de la ville de Senj, un petit port de pêche au nord de la côte croate. C'est un décor de carte postale, il n'y a que nous, la mer à perte de vue et l'eau qui nous lèche les pieds. On avait décidé d'aller se baigner mais la brise matinale nous en a dissuadé. Un long chemin jusqu’à Split nous attend et nous nous mettons rapidement en route. A peine arrivés a notre spot, on est pris très rapidement avec Nicolas par un monsieur croate qui semble avoir une situation plutôt aisée et qui partage sa joie de voir la Croatie rejoindre l'UE; il est le seul croate qui nous ait dit cela à ce stade. On est ensuite pris par un couple germano-croate très sympa mais qui nous largue à une sortie d'autoroute loin d’être idéale pour retrouver une voiture sous un soleil de plomb. Finalement après avoir un peu attendu, un gentil croate s’arrête et nous emmène directement a la marina de Split où nous devons trouver le ferry qui nous emmènera à Hvar. Il parle un anglais parfait, et nous explique combien les Croates aiment voir des étrangers, puisque leur économie repose en partie sur le tourisme. Avec Nicolas, on va ensuite se promener dans le centre de Split, qui est une vieille ville fortifiée avec une grande basilique en son centre. Après avoir déjeuné, on s'installe sur le port en attendant de prendre le ferry. Finalement cette journée de stop aura presque été trop facile, puisque nous avons mis a peine 4h pour atteindre Split. Arrivés dans le port, on retrouve petit à petit les autres binômes, c'est le moment des retrouvailles et chacun y va de sa petite anecdote. En effet, cela fait trois jours que l’étape Budapest-Split avait commencé, il y a donc beaucoup de choses à raconter. Nicolas et moi étions allés à Ljubljana, une ville vraiment magnifique, alors que d'autres binômes avaient choisi d'aller dans un parc naturel aux cascades époustouflantes ou bien encore de passer par Zagreb. Entre autres anecdotes, certains se sont fait invités dans un palace 4 étoiles, tandis que d'autres ont dormi dans une station d’épuration trouvée par hasard au bord de l'autoroute... certes c'est un autre standing, mais cela a aussi son charme ! S'ensuit le départ groupé vers le ferry qui doit nous déposer à Jelsa, un petit village sur l’île de Hvar où la tante de Tanguy possède une maison et veut bien nous la prêter (et nous l'aimons fort pour ça). Dans le ferry, l'ambiance est à la joie, avec goûter et sieste improvisée au son des Beach Boys. L’arrivée sur l’île est mythique puisque nous rencontrons un petit monsieur moustachu aux allures de Robinson, qui nous propose de déguster des vins de sa production locale. On se retrouve donc tous à goûter le vin croate et on lui en achète 2 bouteilles ; la situation est plutôt coquasse... On part tous se baigner dans l'Adriatique où le décor est assez idyllique. Ensuite, soirée tranquille à la maison où chacun s'approprie les lieux. On dîne de riz et de ratatouille délicieuse faits par les chefs talentueux de l’équipe. On est tous vraiment content de se retrouver et on fait honneur à la bière croate. On ouvre aussi le vin acheté plus tôt au barbu, qui se révèle en fait vraiment imbuvable... rien à voir avec celui qu'on avait goûté. Ce n'est pas grave, l'ambiance est quand même à la fête. Au final, on se couche tôt après avoir tiré au sort qui aurait le droit de dormir dans un lit et qui dormirait par terre (12 places en lit pour 26 personnes...). Demain, la découverte de Hvar nous attend, nous nous endormons la tête pleine des belles expériences que nous venons de vivre.
Flora S
6 juin : Premier jour a Jelsa
Chacun se lève à l'heure qu'il veut, c'est agréable de se réveiller sur l'île, faire une grasse matinée, manger un petit-déjeuner au soleil. En revanche, ombre au tableau : ce matin nous apprenons la triste histoire de Clément Meric, ce qui anime de longues discussions au sein de l’équipe. Après ce malaise, nous nous décidons à partir. On enfile un maillot de bain et c'est parti pour faire un tour de l'île. Certains parviennent même a se faire prendre en stop sur l'île pour aller jusqu’à la plage : c'est devenu notre moyen de transport favori. D'autres se sont lancés dans une grande randonnée autour de l'île, le long des criques, se posant de temps en temps pour bronzer, se baigner et adopter des concombres de mer. Les derniers s'installent directement à la plage pour un bain de soleil. Des hordes d'enfants croates envahissent la plage, certainement une colonie de vacances. Emma se blesse en marchant sur un gros bout de verre, mais elle est soignée par les infirmières de la colo et nous sommes vite rassurés; ce n'est rien de grave. Le retour à Jelsa se fait en stop encore pour certains (Elisa, Emmanuel, Nicolas et Flora) et est suivi d’un abus de boules de glace pas chères sur le port. Shadé et Emmanuel, qui n'avaient pas réussi à rejoindre Split la veille, nous rejoignent dans l’après-midi. Arrivés à la maison, tout le monde s'active pour préparer le repas : barbecue et hot dogs, suivis par des crêpes. Séance biafine en prime..
Rémi, le Français que nous avons rencontré et qui fait le tour de l'Europe en vélo, passe la soirée avec nous, participe à la grillade de saucisses et aux jeux du soir. Durant la soirée, nous faisons aussi une grosse réunion pour parler du trajet vers Sarajevo, évaluer la faisabilité et examiner quelques cartes. Enfin, après avoir dégusté des chamallows grillés, nous partons pour une balade nocturne au bord de la mer et nous installons sur des rochers avec un peu de musique pour jouer au fameux jeu des questions d’Emma et Caro.
Flora L
7 juin : deuxieme jour a Jelsa
Réveil à 7h30 dans notre petite maison croate. Pas forcément facile après une soirée bien arrosée mais l'idée de larver allongés sur un bateau nous motive à sortir du lit. La maison s'agite et à 9h nous sommes au port où 4 petits bateaux nous attendent. Nous sommes 7 par bateau. Un petit monsieur nous fait passer notre permis bateau en l'espace de 5 min et c'est parti pour une journée de folie sur l'Adriatique. Notre belle peau blanche de deux semaines de stop sous la pluie cuit très rapidement laissant de tristes séquelles sur certains d’entre nous. On débarque moult boîtes de thon, tomates et maïs sur une petite île ornée de magnifiques monuments à la gloire des carottes (ceci n'est pas une private joke). Après le déjeuner vient la séquence digestion allongés sur la plage pour certains ou, de manière un peu plus dynamique, flottant dans une eau bleue turquoise pour d'autres. Après tant d'efforts, nous décidons avec Auberie, Gaëtan, Julie, Alice, Elisa et Uzma de larguer les amarres vers de nouveaux horizons. Nous avançons sans problème de crique en crique, de village en village, les vagues dans le dos et le soleil sur les épaules. On pose l'ancre dès qu'un coin nous plaît et on repart sans réfléchir. Vient le moment du retour où il nous faut affronter les vagues contre nous. 1 heure dans la tempête avec ce ridicule petit bateau à moteur. Nous sommes trempés, plusieurs fois le bateau est prêt à chavirer, la pression monte. Morts de rire les 10 premières minutes, nous passons le reste du temps à chercher désespérément le port au loin. Après cette petite scène épique, nous arrivons tous fiers (en tremblotant quelque peu...) au petit port de Jelsa.
Imprégnés de sel, nous rentrons chancelants retrouver les autres à la maison. Celle-ci est dans un état assez critique. Il faut imaginer ce que donne l'arrivée de 26 étudiants à l'hygiène plus ou moins douteuse et aux bagages un brin encombrants dans une paisible maison croate. Les affaires gisent sur le sol, sur les tuyaux de robinets, sur le portail.... On préfère retarder l'heure du rangement en se payant un resto sur le port avec le reste de la cagnotte (l’idée initiale est de gagner du temps). A 22h30 le rangement commence, tout le monde court dans tous les sens. Toilettes bouchées, vaisselle, serpillière, ramassage de mégots : il y a du boulot... Ainsi se termine notre dernière journée dans ce petit havre de paix où les lessives et les douches étaient possibles.
Jérôme
8 juin : Jelsa-Sarajevo
4h du matin, les réveils sonnent partout dans la maison et en l’espace de 2 minutes, tout le monde s’active de part et d’autre. On range, on fait nos bagages en hâte, car notre navette doit partir à 4h45. Nous avons un jour pour quitter Jelsa, l´île de Hvar et être à Sarajevo le soir même : un véritable défi. Le regard hagard et l'air ensommeillé, on prend tout de même les dernières photos sur la cote et on court attraper notre navette. Seulement, le conducteur du bus nous apprend que la navette que nous attendons tous ne passe jamais le samedi et que lui même ne peut pas nous prendre car son bus est presque plein et que nous sommes un grand groupe. Panique. Le conducteur monte alors à l’intérieur du bus pour lancer un débat et une sorte de vote. Il en ressort que les passagers insistent tous pour nous faire monter ! Oh, joie, la chance est avec nous ! On se serre donc tous dans le bus, certains sont debout mais qu’importe , nous avons désormais la certitude que nous serons au ferry en temps et en heure. Beaucoup finissent leur nuit dans le bus quand tout d’un coup tout le bus se met à chanter. Notre groupe est alors réveillé par des chants religieux et une dame qui passe dans les rangs avec de l’eau bénite. Tout s’éclaire, nous sommes en fait dans un bus qui part en pèlerinage à Mostar ! Le bus nous dépose au ferry et après la traversée, nous nous retrouvons à 20 sur la même petite nationale à vouloir stopper dans le même sens. Il va falloir être patient. Yann et moi avons tout de suite beaucoup de chance puisqu’un boulanger s’arrête dans les 10min et nous aide à faire quelques kilomètres. Tout de suite après, une autre voiture s’arrête et nous emmène jusqu’à la frontière Bosniaque, où nous passons la douane sans encombres. Malheureusement, les douaniers ne font pas de tampon sur notre passeport : déception. Notre conducteur prend la gentille initiative de descendre au passage de la douane pour aller demander à la voiture devant nous si elle peut nous avancer jusqu’à Mostar et la voiture accepte ! On change donc les bagages de coffre et hop, en route. Arrivés a Mostar, on attend à peine et déjà une voiture s’arrête et nous emmène tout droit à Sarajevo ! Le conducteur est très sympathique, c’est un Danois qui habite à Mostar et part chercher son frère à l’aéroport de Sarajevo ! Il nous propose d’aller à l’aéroport avec lui pour accueillir son frère car celui-ci parle français et habite à Pau. Malheureusement, il n’y a pas assez de place dans la voiture avec nos bagages volumineux, il nous dépose alors à la station de tramway qui nous emmène directement à notre auberge et nous offre même les tickets de tramway. Pour la première fois, on sent un véritable dépaysement et une perte de repères. Sarajevo est une ville surprenante qui a tout d’une ville arabe avec ses nombreuses mosquées et cimetières musulmans, tout en étant aussi emprunte d’un caractère très soviétique; le mélange est déstabilisant. C’est aussi une ville encore très marquée par la guerre, qui ne s’est terminée qu’en 1995; les immeubles sont encore criblés de balles. On decouvre notre petite auberge de fortune, qui surplombe Sarajevo. Encore quelques heures et les autres ne tarderont pas à arriver pour nous raconter leurs périples !
Iman
9 juin : Sarajevo
A l'aube, le muezzin sort la vieille ville de sa torpeur. Nous restons blottis dans nos duvets, attendant un horaire plus clément. Nous partons visiter par petits groupes cette ville mystérieuse, à la fois à la marge de l'Europe, et au coeur de l'histoire de notre continent. Nous connaissons tous au moins Sarajevo de par une date, le 28 juin 1914. Ce jour là, l'archiduc François-Ferdinand et sa femme sont assassinés par un nationaliste serbe, au pied du pont latin, à quelques pas de l'auberge dans laquelle nous logeons. Cette date marque un tournant, celui du XXème siècle, et avec lui, les guerres mondiales et totalitarismes. Mais au-delà de cet évènement, que connaissons-nous de Sarajevo? Sarajevo, c'est, à première vue, une forêt urbaine dense et polymorphe. Aux cimes trônent les pointes déterminées des minarets, héritage de quatre siècles de domination ottomane. Juste en dessous s'exposent timidement églises et synagogues. Lieux de cultes de toutes les religions européennes se côtoient ici, sur le même horizon. On ne retrouve nulle part en Europe occidentale une telle diversité de monuments. Ce principe de tolérance provient de l'organisation ottomane du "Millet", garantissant la liberté de culte des populations non-musulmanes. En contrebas de ces édifices s'étale la vieille ville musulmane: un fouillis de maisons basses à tuiles rouges, d'où s'échappent panaches de fumées blanches et odeurs de viande grillée. La ville de Sarajevo s'étale comme un oignon dont la ville musulmane forme le germe d'où partent plusieurs strates historiques. Accolée à la ville ottomane, la ville autrichienne, plus haute et plus fière, plus "européenne" aussi. C'est la ville de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle, à l'époque où la Bosnie fut annexée à l'Empire multinational de l'Autriche-Hongrie. Traversons les rues droites et les immeubles aux façades pastels pour se retrouver face aux grandes tours résidentielles de l'ère titiste. En effet, la majorité des habitants de la ville vivent encore aujourd'hui dans ces grandes tours grises et sales. Ces dernières sont d'autant plus lugubres qu'elles sont encore pour la plupart criblées de balles. De 1992 à 1995, Sarajevo fut ainsi assiégée par l'armée serbe, postée dans les montagnes encerclant la ville. Du conflit serbo-bosniaque, les impacts sur les murs ne sont pas les seules traces. De par sa proximité historique, la guerre reste profondément inscrite dans les mentalités. Elle est à l'origine du compromis actuel qui veut que l'Etat de Bosnie-Herzégovine soit en réalité divisé en deux: d'un côté un Etat autonome serbe et de l'autre une entité croato-bosniaque. La paralysie sociale et économique de la Bosnie s'explique en grande partie par cette incapacité de la sphère politique à transcender des tensions exacerbées par les récents conflits yougoslaves. Sarajevo, c'est une leçon d'histoire du XXème siècle. C'est un défi du XXIème.
Mathieu
10 juin : Sarajevo-Sofia, 1er jour
L'étape la plus spéciale du voyage, trois jours en liberté au plus profond des Balkans, commence enfin. En arrivant à Sarajevo, tout le monde a déjà pu se faire une idée plus personnelle de cette région, que certains attendaient avec impatience, que d'autres appréhendaient, et qui pour la majorité d'entre nous demeurait jusqu'ici inconnue. A l'évocation de notre passage dans les Balkans, les conducteurs qui nous ont pris en stop entre Paris et la Croatie nous parlaient souvent d'une région hostile, pauvre et dangereuse. En réalité, jusqu'à Sarajevo du moins, peu de pauvreté, des routes en bon état, moins de misère qu'à Paris dans les rues des villes et des infrastructures modernes nous amènent à repenser les a priori que nous avons pu avoir. Certes, le pays est marqué par la guerre avec des impacts de balles sur les immeubles en plein centre-ville de la capitale, un certain nombre d'immeubles en ruines et, selon un des bosniaques rencontrés, l'Etat ne finance pas la réhabilitation de ces bâtiments car la moitié de l'argent du contribuable finit dans la poche des élus. Mais les bosniaques que nous avons rencontrés sont des personnes très aimables, et on se sent moins étranger, malgré la barrière de la langue, que dans certaines villes plus occidentales dans lesquelles les autostoppeurs étaient regardés avec un mépris affiché. Ces trois jours offrent donc a l'équipe une diversité importante dans les trajets possibles. Entre aller directement a Sofia par les petites routes de campagne, passer par Belgrade, capitale de la Serbie, ou encore passer par le Montenegro, le Kosovo, la Macédoine ou la Grèce, toutes les options s'offrent a nous. L'Albanie est le seul pays qui nous a été formellement déconseillé. Qualifié de "totally fucked-up country" par un de nos précédents conducteurs, l'équipe s'abstiendra de passer les frontières de ce pays, au risque de rester sur des idées négatives. Shadé et moi décidons d'essayer d'atteindre Belgrade, en allant là où les voitures nous emmèneront, puis de redescendre vers Skopje, et enfin Sofia. Nous partons de bonne heure et ne tardons pas à être embarqués par un conducteur de camionnette, qui ne parle que le serbe mais comprend qu'il peut nous déposer sur la route de Belgrade. Depuis la Croatie, il n'est pas rare de se retrouver dans l'impossiblité de communiquer verbalement avec nos interlocuteurs qui ne parlent souvent ni le français, ni l'anglais, ni l'allemand (sans parler de l'espagnol). Nous devons nous débrouiller avec “dobar dan”, “molim” et “hvala”, qui constituent 90% de notre conversation ; si dans ce cas, le trajet est long et silencieux, il a au moins l'avantage de nous permettre de nous reposer... Quelques kilomètres plus tard, nous nous retrouvons sur le bord de la nationale, pouces in the air, munis de notre plus beau sourire à l'attention des conducteurs bosniaques. Les voitures nous passent sous le nez, jusqu'à ce qu'une belle Chevrolet gris metallisé fasse marche arrière pour nous prendre. Surprise, Uzma et Marc sont dans la voiture et nous faisons le trajet ensemble. Au volant un jeune homme, très bon anglais, qui en dehors de son travail sur les cellules-souches, est... étudiant en sciences politiques! Bien qu'il nous dise qu'il compte mettre fin a ces études, car il ne se destine pas a une carrière dans un tel domaine en Bosnie, la conversation se révèle très intéressante. Je retiendrai surtout son avis sur les idées préconçues que nous nous faisons sur les Balkans en France. Ce sont des représentations basées sur l'état de la région telle qu'elle était il y a quinze ou vingt ans, juste après l'explosion de la Yougoslavie, lors des périodes de trouble précédant et pendant la guerre. Depuis, les choses se sont beaucoup améliorées, les populations travaillent dur a surmonter les difficultés auxquelles elles font face, et la criminalité n'est pas plus élevée qu'en Europe de l'ouest. Selon lui, même le Kosovo et l'Albanie sont des pays sans danger, car si des différends persistent entre les populations de ces régions, les touristes y sont en sécurité. On peut tomber sur des "bad guys", bien sûr, mais il en existe partout, et 99% des bosniaques ou des serbes sont des personnes très aimables (ce que nous avons effectivement constaté). En réalité, on a affaire a un problème de "bad politics" qui ternissent l'image des bosniaques et des serbes à l'étranger. Nous sommes déposés dans un village, encore en Bosnie, mais dont la population est sans doute serbe, comme le montrent les nombreuses inscriptions en cyrillique, alphabet officiellement employé pour l'écriture de la langue serbe. Quatre ou cinq chiens errants nous tournent autour, sans doute pour que nous leur donnions a manger. Mais nous avons trop besoin de nous lentilles en conserve. Un camion ne tarde pas à s'arrêter pour nous prendre, cette fois-ci seulement Shadé et moi. De nouveau, nous ne communiquons que par de grands gestes pour indiquer la direction, et par des noms de villes auxquels nous donnons une intonation interrogative ou affirmative, selon que nous avons besoin d'une information ou pas. Notre pilote est un cliché du routier des Balkans, avec la moustache fournie que la cigarette a jauni, sûrement la quarantaine mais qui en parait soixante. Nous n'avons pas appris grand-chose sur lui et ressortons avec la sensation d'avoir fume quatre paquets, mais au moins nous avons eu notre routier de la journée. A Višegrad, un jeune autochtone habitué du stop nous fait monter dans sa voiture pour une simple traversée de la ville jusqu'à son endroit favori pour stopper. Après quarante secondes de conversation, il souhaite que l'on devienne amis sur Facebook. Les jeunes ruraux des Balkans ne sont pas si différents de chez nous. Arrivés au lieu en question, nous ne restons pas longtemps les seuls autostoppeurs : un couple d'une cinquantaine d'années vient nous faire concurrence. Nous avons une conversation avec la dame, qui ne parle que bosniaque évidemment. Nous ne sommes pas sûrs d'avoir compris ce qu'elle a dit mais elle a touche nos visages et nous a donne un petit livre de prières et une vignette de Jésus. Peut-être pour nous encourager pour notre périple. Quoi qu'il en soit, ils ont eu une voiture avant nous. Nous sommes finalement emmenés par un homme d'une quarantaine d'années, qui se rend en Serbie. Au bout de quelques centaines de mètres nous apercevons Mathieu et Lara, avec qui nous partageons a notre tour notre voiture. Notre sympathique conducteur, qui n'est pas très à l'aise avec l'anglais mais que nous comprenons assez bien, nous emmène au village de Kustendorf, un Hollywood serbe, où nous sommes invités a goûter la liqueur au miel typique, la Medovača. Nous passons finalement la nuit dans un hôtel bon marche a Kragujevac, l'ancienne résidence des rois serbes. Cette première journée d'aventure au gré des voitures bosniaques et serbes a été très enrichissante, pour se faire sa propre idée de ces pays, dont nous avons si souvent une mauvaise image. Le voyage en stop est réellement un excellent moyen pour se défaire des idées préconçues, pour rencontrer des tonnes de gens intéressants qui nous expliquent mieux que n'importe quel guide touristique leur opinion sur le pays dans lequel ils vivent, et qui sont souvent heureux de partager leur culture avec nous. Ce soir, certains sont déjà à Belgrade, d'autres passent la nuit dans un parc naturel serbe, d'autres encore au Monténégro. Les jours à venir nous réserveront de nombreuses péripéties, à n'en pas douter.
Emmanuel
11 juin : Sarajevo-Sofia, 2eme jour
Réveil à Belgrade avec mon binôme Nicolas. Nous profitons du matin pour voir un peu plus la ville, dans laquelle nous avons déjà eu l'occasion de nous promener la veille dans l'après midi. Nous rentrons dans la cathédrale orthodoxe qui nous réserve une surprise : tandis que l'extérieur de l'église semble flambante neuf, créant une impression de faux vieux, l'intérieur est totalement vide car en travaux, laissant voir la pierre (ou plutôt le ciment) à nue. En effet, cet immense bâtiment dont la construction a commencé en 1939 et a été interrompue sous Tito n'est pas encore achevé ! Cette cathédrale dans laquelle on ne sait que faire de l'espace est à l'image de la démesure qui semble parfois griser Belgrade. Ainsi chaque Serbe qui nous a pris en voiture jusqu'à maintenant n'a manqué de préciser, avec un grain de fierté dans la voix, que la capitale était la plus grande ville des Balkans. Mais Belgrade, très occidentalisé, ne se démarque pas nettement des autrse villes de l'Est que nous avons vu, et malgré quelques beaux bâtiments la capitale serbe ne marquera pas nos mémoires. Nous ne voyons pas d'impacts de balles dans les bâtiments comme à Sarajevo, mais des immeubles bombardés par l'OTAN en 1999 sont encore visibles au centre ville.
À 11h, nous passons à l'auberge récupérer nos sacs et entreprenons de sortir de Belgrade, direction le parc national de Kopaonic. Sur les conseils de notre aubergiste apparement habitué à accueillir des stoppeurs, nous prenons le bus pour se rapprocher de l'autoroute. Arrivés sur place, nous changeons 3 fois d'emplacement pour trouver le meilleur spot. Belgrade confirme son statut de grande métropole de par le temps que nous devons attendre pour en sortir. Nous attendons au total près de 2h sous un soleil de plomb et le soleil dans les yeux. Mais malgré cela nous gardons le sourire (parfois un peu forcé il est vrai) en bon stoppeur. Une voiture en direction du Kosovo finit par s'arrêter et propose de nous déposer au croisement de Krusevac. Fait remarquable, particulièrement dans les Balkans, c'est une conductrice et non un conducteur qui s'est arrêté pour nous prendre. Qui plus est celle ci parle parfaitement anglais, ce qui facilite grandement la conversation et fait du bien au moral, après près de 5 voitures où il a fallu se contenter du langage des signes. La discussion qui s'engage est passionante, notre conductrice est actrice et s'est même fait remettre la légion d'honneur par Frédéric Mitterrand. Elle nous raconte le scénario de son prochain film (en roulant à 200 à l'heure sur l'autoroute) dont elle sera également la metteuse en scène : une femme serbe très traditionnelle découvre un jour que son mari, avec qui elle vit depuis 30 ans, est un criminel de guerre. Elle tente d'abord d'ignorer ce qu'elle a appris puis comprend qu'elle ne peut plus garder la même attitude vis à vis de son mari ni de la société. Cette histoire, nous dit notre conductrice, est une métaphore de la Serbie actuelle, qui refuse de regarder et d'assumer ses responsabilités dans la guerre de Yougoslavie. Notre conductrice nous dit également se sentir profondément Yougoslave, c'est pourquoi elle est heureuse de devoir travailler dans toute l'ex Yougoslavie, comme aujourd'hui au Kosovo.
Elle nous dépose au bout dune heure à un péage de sortie d'autoroute. Une vieille femme nous prend alors rapidement mais ne parle pas un mot d'anglais. Suite à une erreur de compréhension, elle nous dépose a un rond point a 10km de Krusevac alors qu'elle s'y rendait apparement elle même. La pauvreté est frappante dès qu'on sort des grands axes, et le contraste avec Belgrade en est presque choquant. Nous voyons de nombreuses femmes âgées partir aux champs en vélo, la bêche sur le guidon et la tête courbée sous la pluie. Nous attendons près d'une heure au rond point, marchons vers le village suivant où nous nous faisons dévisager par tous les habitants que nous croisons. Un jeune couple finit par nous prendre dans leur voiture bringuebalante. Ceux ci ne parlent pas un mot d'anglais mais tiennent à nous ajouter en ami sur facebook. Ils nous déposent à Krusevac et nous assurent : le parc national, c'est tout droit à 16km. Il est à peine 15h, et nous stoppons avec optimisme en nous disant qu'au pire, nous pourrons toujours marcher jusqu'au parc. Un tracteur nous prend et nous avance (lentement mais sûrement) de 15km. Alors que nous pensons arriver au parc d'une minute à l'autre, nous apercevons un panneau annonçant le parc naturel à 80km. Quand le tracteur nous dépose dans un petit village, nous reconsidérons nos ambitions. Étant donné le passage quasi inexistant sur la route où nous nous trouvons et le temps déjà attendu dans la journée, nous décidons de passer la nuit sur place.
Comme il est encore tôt, nous nous dirigeons vers une église orthodoxe qui est indiquée un peu plus loin pour la visiter. Sur le chemin, nous croisons une femme à qui nous demandons si elle sait où nous pourrions planter notre tente. En effet nous sommes tout près du Kosovo et les panneaux prévenant contre les mines anti personnelles nous dissuadent de tenter le camping sauvage. La femme nous emmène voir un homme (qui s'avèrera ensuite être le maire), qui va à son tour passer un coup de téléphone. Un troisième homme arrive alors, qui parle parfaitement allemand. Nous pouvons alors communiquer (aucun d'eux ne parlent anglais). Le troisième homme, à la fois très étonné et très flatté que des touristes francais viennent jusque dans son village de Serbie, nous répète plusieurs fois que nous sommes en sécurité ici et qu'il ne faut pas avoir peur. Il nous emmène alors à l'école du village et nous dit de planter notre tente n'importe où dans le jardin.
Nous discutons longuement avec lui et il nous explique que la Serbie étant un pays assez pauvre, 90% des gens travaillent en Allemagne, en France ... Lui travaille en Autriche, d'où son allemand parfait. Nous allons ensuite visiter la fameuse eglise, qui date d'avant l'occupation ottoman. Elle est très belle mais nous ne pouvons malheureusement pas rentrer dedans. De retour à notre tente, nous découvrons que les jeunes du village se sont tous attroupés autour, car nous sommes en quelque sorte la curiosité du moment. Nous commencons à discuter avec eux (quelques uns parlent très bien allemand) et jouons une partie de basket ensemble où ils nous battent à plat de couture. Ils sont tous extrêmement accueillants et nous passons la soirée à discuter et à rire avec eux. Ils nous font ecouter du rap serbe, contre quoi Nicolas, en bon breton, leur chante du rap celtique. Lorsqu'il se met à pleuvoir, ils se précipitent pour déplacer notre tente à l'abri de la pluie. Lorsqu'ils partent, nous dînons dans notre tente puis nous couchons après cette longue journée.
Auberie
12 juin : Sarajevo-Sofia, 3ème jour
Ce matin là on c'est retrouvé avec Flora dans un petit hôtel sur une autoroute à la sortie de Podgorica, la capitale du Montenegro. Ce jour là on devait franchir presque 500 km qui séparaient Podgorica et Beograd, la capitale de la Serbie, par des petites routes dans les montagnes - un but très ambitieux, voire impossible. Pour cette raison on s'est levé très tôt et était déjà sur la route vers 7h30. Cependant la Fortune a été très favorable envers nous. Au bout de 10 minutes on a été pris par une voiture dont le conducteur allait à un village près de Čačak, une ville Serbe qui se situait à 200 km de Beograd. C'était un serbe, à peu près de 60 ans, qui allait fêter le 40me anniversaire de la fin de ces études à l'école. Il parlait que serbe et un peu russe, donc peu à peu je pouvait lui parler et traduire à Flora Zhoko (c'était le nom du monsiuer) nous a raconté sa vie, qu'avant la guerre il habitait à Zadar en Croatie (à l'époque tout ça c'était la Yugoslavie), qu'il a fait son service dans le défence anti-aérienne et qu'après la guerre il c'est installé à Podgorica. Mais il a gardé son affection profonde vers sa patrie, la Serbie. Zhoko a été très gentil avec nous, il nous a raconté tout ce qu'il savait sur la région, ses curiosités, il a fait des arrêt devant chaque panorama pittoresque pour que je puisse faire des photos. Au final il a fait un détour de 50 km juste pour nous déposer sur un bon spot pour faire du stop ! Mais on n'a même pas dû le faire! Quand Zhoko a vu une voiture avec une plaque d'immatriculation de Beograd, il l'a klaxonné et a ARRETE cette voiture, et a demandé au conducteur de nous ammener à Beograd. A notre surprise, le monsieur a dit oui, et c'est à ce moment-là qu'on s'est rendu compte avec Flora quel peuple secourable et hospitalier étaient les serbes. Du coup on a dit au revoir à notre cher Zhoko, qu'on appelait Jacques à la française, et a continué avec l'autre monsieur, qui nous a déposé dans le centre de Beograd. On a appris qu'il y avait déjà un groupe des gens de "Stop&Go" dans la ville et nous les avons rejoint.
La ville nous a beaucoup marqué. Même dans le centre ville il y avait toujours des bâtiments mi-détruits après des bombardements de l'OTAN en 1999, avec des trous énormes dans les murs, laissées par des bombes. Tout cela donnait à Beograd une image un peu sinistre. C'est un peu dommage qu'on n'a pas eu le temps pour vraiment visiter a ville, la découvrir, donc cette première impression de la ville est restée dans nos souvenirs.
Le lendemain un trajet de Beograd à Sofia nous attendait.
Dmitry
13 juin, arrivée à Sofia
7 heures. L’incessante sonnerie du réveil nous tire difficilement du sommeil dans lequel nous étions plongé depuis si peu de temps. J’ouvre les yeux. Nous sommes dans une petite chambre tapissée de vert amande encore empreinte d’une enfance proche, comme l’attestent les peluches qui nous observent d’un œil vide. Il faut se lever, notre hôte a promis de nous emmener à l’entrée d’autoroute qui nous permettra de sortir de Skopje, capitale de la Macédoine, et de rejoindre la prochaine étape, Sofia. Nous entrons timidement au salon, les yeux encore embrumés. Un petit déjeuner royal composé de tomates, fromage, pain et concombre nous attend. Nos ventres ne sont pas remis de la soirée de la veille, soirée durant laquelle, Christina, ou Kiki, jeune cadre dynamique d’une vingtaine d’année nous a fait découvrir le charme de la rakia, eau-de-vie à base de jus de fruit fermenté très répandue dans les Balkans (c’est même l’alcool national en Bulgarie, c’est pour dire l’étendue de son succès). Chaleureusement accueillis par notre hôte macédonien, un gentil monsieur bedonnant ne parlant pas un mot d’anglais (mais connaissant le mot « vacances », assorti à toutes les sauces), nous nous empressons poliment de manger. Tentant de lui raconter la soirée de la veille passée avec sa fille, nous avons fait la regrettable, l’impardonnable, la déplorable erreur de prononcer le mot « rakia » (seule chose qu’il a du comprendre de nos mimes approximatifs). Ni une ni deux, le voilà parti en cuisine et quelques secondes plus tard, nous le voyons réapparaître fièrement, portant une gigantesque bouteille de rakia à pompe. Nos estomacs fragiles se retournent, se tordent, mais nous n’avons pas le choix, et nous trinquons, la tête haute avec notre hôte, mort de rire. Nous repartons avec chacun une petite bouteille de cet alcool fait maison, en souvenir.
Après les adieux à Christina, nous remontons dans la petite voiture rouge pleine de cartons qui nous avait pris en stop la veille. Le coffre ne ferme même pas, tant pis. Nous roulons quelques minutes jusqu’à l’entrée d’autoroute, où nous débarquons, fins prêts à stopper, reboostés par ce réveil dynamique. Alors que nous nous apprêtions à dire au revoir à notre hôte, ce dernier s’avance sur l’autoroute, et se place à un endroit stratégique, tendant fièrement son pouce. Oui, il avait décidé de stopper pour nous, comme s’il n’en avait pas fait assez ! Choisissant les voitures à son goût, il fait circuler celles qui ne vont pas assez loin pour lui d’un petit mouvement dédaigneux de la main. En quelques minutes, il nous arrête un bus, nous conduisant directement à proximité de la frontière. C’est l’occasion ou jamais pour récupérer quelques heures de sommeil ; nous nous endormons rapidement.
En position stratégique sur la nationale direction la Bulgarie, nous arrivons vite à la frontière, où nos conducteurs bulgares, ne parlant pas un mot d’anglais ne manquent pas de fourrer leurs passeports d’un petit billet afin de faciliter le passage. La corruption est monnaie courante aux frontières, mais mine aussi une grande partie de la société bulgare. Les autorités européennes ont d’ailleurs dénoncé ce phénomène, mais rien n’y fait, et malgré les récentes protestations populaires (dont l’immolation d’un jeune homme en février en réaction à ces dérives dans l’administration), la Bulgarie reste un des pays les plus corrompu d’Europe.
Bref, après notre succès du passage de frontière (c’est toujours une joie pour nous petits citoyens de l’espace Schengen), nous sommes déposés en rase campagne à l’entrée de la Bulgarie, où nous patientons plusieurs heures avant de tomber sur un camionneur, direction Sofia. La route est magnifique, et il fait enfin beau.
17 heures, nous arrivons à Sofia, dans la joie et la bonne humeur, où nous retrouvons nos 26 autres stoppeurs autour du menu pâtes-bière proposé par l’auberge. Pas de rakia, ce soir ?
14 juin, Sofia
Sofia est une ville très surprenante ! Là où je m'attendais à une ville assez similaire à tout ce que nous avions rencontré auparavant, j'ai trouvé une ville qui a ses spécificités. On ne trouve pas de "vieille ville" à proprement parler avec des ruelles et des bâtiments très anciens, mais de nombreuses rues perpendiculaires, qui semblent beaucoup se ressembler. Cependant, à y regarder de plus près, chaque ensemble de rues, chaque quartier a sa spécificité, que nous avons pu découvrir avec notre guide Petya de Free Sofia Tour, mais aussi grâce à nos balades principalement nocturnes.
Dans le centre de Sofia, sur une même place, on peut observer 4 édifices de 4 religions différentes (catholique, juive, orthodoxe et musulmane), tout proche des instances du pouvoir bulgare (Présidence, Palais de justice...).
Mais le charme de Sofia ne réside pas seulement dans ces grands édifices, mais aussi dans toutes les petites choses qui font de Sofia une ville européenne à part. C'est en effet une ville qui ne correspond pas au standard des villes occidentales. Proche de l'Orient, mais intégrée à l'Europe, plusieurs influences sont présentes à Sofia, à commencer par les 4 religions. C'est par la suite en se baladant dans le Lady's Market que l'on remarque la présence d'influences européennes comme orientales. Des produits de chaque continent sont présents, mais bien sûr, comme partout, les vêtements "made in China". :)
Les touches de charme sont ensuite différentes de ce à quoi l'on pourrait s'attendre. Ce sont les pavés des rues défoncées, les différentes architectures des immeubles portant proches.... Tout cela fait de Sofia une ville plutôt à part.
Pour moi, Sofia est une "petite Barcelone", car les rues sont similaires à l'Eixample à Barcelone, à la seule différence près que Sofia ne dispose pas de "vieille ville", même si pour autant, nous avons vu des vestiges de l'Empire romain. Sofia a en effet failli être la capitale de l'Empire romain d'Occident à la place de Constantinople.
Mais, malheureusement, à Sofia, les nuits ne sont pas folles, c'est là notre principale (petite) déception. Nous avons eu du mal à trouver de quoi s'amuser avec des jeunes bulgares. La seule petite exception réside dans la présence d'un bar sans électricité, où tout était éclairé à la bougie, ce qui rendait à ce lieu une ambiance spéciale assez sympathique.
Tanguy
15 juin, départ de Sofia
Nous partons de Sofia vers 11h, il fait beau, même si le temps bulgare change rapidement. Nous décidons de nous laisser aller au fil des voitures, sans destination précise. Une chose est sûre: nous voulons découvrir la cambrousse. Les deux premières voitures nous sortent de la capitale puis nous tombons sur un vieil homme très sympa dont la voiture assez rustique émettait des petits sons que l’on peut assimiler à des flatulences. Il parlait espagnol avec Mathieu et nous a emmenés sur une colline où était établi un site archéologique : nous étions au cœur d’une ville vielle de plus de 10 000 ans ! ‘En tous cas c’est ce que j’ai compris’. Ils nous a ensuite remis sur la route et nous a laissé à l’entrée de son village. Nous avons un peu marché et un couple d’ingénieur en électricité qui partait passer quelques jours à la campagne puis à Burgas nous a emmené jusqu’à une église qui a été érigée en l’honneur des armées russes. Ensuite, nous avons fait un aller-retour en trois voitures : je pensais vouloir visiter une petite ville mais à l’entrée de celle-ci, on a décidé de faire demi-tour car les paysages et l’ambiance ne nous plaisaient pas alors que si on faisait marche arrière on pourrait aller jusqu’à Veliko Tarnovo, ancienne capitale bulgare où siège une ancienne muraille et un vieux château que nous avons visité avec Mathieu le lendemain. Finalement, c’est un homme d’une quarantaine d’années qui nous a conduits jusque là, en nous offrant à boire bien sûr.
Lara
16 juin, Sofia-Istanbul : 2ème jour
Lever de soleil sur le "Paris des Balkans". Plovdiv, petite ville de pierre et de bois, s'éveille en plein coeur de la forêt bulgare. Nous quittons ses murailles romaines à bord de la voiture d'un restaurateur de Sofia. Dans un allemand approximatof, nous apprenons qu'il part se ravitailler en viande sur notre chemin. Il nous dépose alors sur une "aire d'autoroute", où se mêlent une ferme, un abattoir et des vendeurs de pita pour les routiers. Benoît décide d'y goûter: les 35 degré et la musique traiditionnelle ne l'empêcheront pas de regretter son immense kebab, rempli de côtes de porc et d'un steak de chair à saucisse.
Le ventre plein et assomés par le soleil, nous nous remetttons à stopper. Les voitures qui passent nous font des appels de phare: parties pour la côte, elles sont blindées, mais nous auraient bien prises si elles l'avaient pu. C'est finalement un homme qui nous aborde: Veliko Tarnovo, l'ancienne capitale bulgare, est sur sa route. Il nous explique qu'il rejoint la Mer Noire à Varna. Il accepte de nous emmener dans la ville pour la visiter et de nous reprendre ensuite. Il nous laisse au pied du château qui entoure les collinesde la ville. Nos sacs restent dans sa voiture: au bout d'un mois où les gens se sont montrés vraiment sympas, on fait bien plus facilement confiance. On profite des lieux, en espérant qu'il tienne parole. A l'heure dite, nous le retrouvons et nous partons pour Varna. Les deux à l'arrière s'assoupissent, pendant qu'un discussion s'ouvre. Dimiter a vécu dix à Chicago, il va rejoindre ses amis businessman pour faire la fête. Il parle de la Bulgarie, qui est sinistrée par la crise. L'UE, pour lui, c'est l'avenir du pays, même si elle n'est pour l'instant synonyme que d'inflation - malgré un salaire moyen de 400 euros par mois, l'essence y est au prix français!-.
Une fois à Varna, il appelle son ami pour savoir s'il a le temps de nous déposer à Nesebar, la station balnéaire où nous souhaitons passer la nuit. Le temps lui manque: ils nous propose de ce fait de passer la nuit avec eux. Mais la nuit à la belle étoile nous attend. On fait alors un car-stop: un bus vide, où pend une croix orthodoxe, nous emmène à Sunny Beach! Il ne nous adresse la parole que dans les cinq dernières minutes pour nous montrer le paysage. Le soleil se couche, et le ciel beu-rose se mêle à la Mer Noire. C'ets à couper le souffle.
On fait les quatre derniers kilomètres avec un van déjà plein à craquer. A 6 dans une voiture 4 places, on traverse des petits chemins sans goudrons: épique! Nous arrivons à North Beach: la plage est déserte et magnifique. La voiture du haut de la butte nous crie de nous retourner. Plusieurs dauphins sautent près du rivage. Après une salade au port, nous nous couchons, fatigués et heureux -même les moustique ne parviendront pas à nous faire déchanter!
Caroline
17 juin : destination Istanbul
Réveil à 7h00 à Sozopol, sur le bord de la mer Noire où, avec Maxime, on a pu se reposer deux jours pour cette dernière journée d’autostop. Après avoir salué Zema, notre hôte de 87 ans, je pars avec Maxime, Shadé et Tanguy qui nous ont rejoint la veille. On marche en direction de la sortie de la ville une bonne demi-heure sous le soleil qui tape déjà… On en vient même à regretter la petite grisaille du début de l’aventure !
A peine nos pouces levés, une voiture s’arrête : un retraité français nous amène 20 km plus loin, sur l’ E87 qui doit nous amener jusqu’à la frontière turque. Et c’est le début de la galère : une voiture toutes les 5/10 minutes. On croise 4 binômes sur cette petite route : Zoé/Yann T, Uzma/Dmitry, Shadé/Tanguy, Caroline/Emma/Benoît. On enchaîne tous les voitures mais c’est à chaque fois 10 km par voiture. Une fois en voiture, dès que l’on voit un panneau indiquant une bourgade on retient notre souffle et on espère que la voiture ne s’y arrêtera pas. On se retrouve déposés au même endroit que les autres binômes, ce qui nous permet de nous détendre et de nous occuper en attendant les voitures.
Finalement on arrive tous à Malko Tarnovo dernière ville bulgare avant la frontière. 5 voitures et seulement 50 km de parcourus en 5 heures. Mais bon, cela n’aurait pas été drôle que tout se fasse facilement le dernier jour ! Il fallait mériter d’arriver à Istanbul.
Avec Maxime on décide donc de faire une pause casse croute à l’ombre dans une petite station service. Après une heure de pause, on cherche un bon spot. Avant même qu’on ait eu le temps de lever notre pouce et notre pancarte, une belle voiture s’arrête à notre niveau et la conductrice et son mari nous proposent de nous amener jusqu’à Istanbul ! Incrédules, Maxime et moi montons dans la voiture. Le couple roumain nous explique qu’ils n’ont jamais pris d’autostoppeurs mais qu’après nous avoir vu à la station service avec nos t-shirt Stop&Go et nous avoir analysé (si on était ni dangereux, ni sales !) ils ont décidé de nous prendre jusqu’à Istanbul. La conductrice au fort caractère nous annonce qu’elle sera notre « Michael Schumacher ». En effet : petite pointe à 192km/h sur l’autoroute ! On arrive très vite à Istanbul : ville immense !
Notre voiture nous dépose dans un centre commercial, et après 30 minutes de bus, on arrive facilement près du centre historique. Maxime et moi décidons de finir la route à pied au lieu de prendre le métro. On entend le chant du muezzin. Après une demi heure de marche sur le bord du Bosphore, on arrive à 17h devant l’auberge, tout près d’Ayasofia et de la Mosquée Bleue. On y retrouve une bonne moitié du groupe déjà installée autour d’une chicha offerte par les gérants du bar.
Après 5100km de stop, ça y est, on y est, on l’a fait !
Elisa
18 juin : premier jour à Istanbul
Après une première nuit au calme dans cet immense dortoir où nous sommes tous rassemblés, nous nous réveillons pour partir à la découverte de cette ville tant attendue, destination rêvée qui hantait nos nuits et guidait notre route depuis 25 jours : La mystérieuse Istanbul !
Nous commençons notre visite par une petite mosquée. Ici pas de fidèles en pleine prière ou d’imams, seulement des tombeaux recouverts de soie. Ce premier contact avec la religion musulmane, majoritaire en Turquie, se fait donc dans le recueillement et la contemplation.
Nous poursuivons vers la grandiose mosquée Sultan Ahmed, connue aussi sous le nom de mosquée bleue. Pour y entrer il faut se soumettre aux règles vestimentaires en vigueur. Pas de short pour les hommes, pas de jupes courtes et un voile obligatoire sur les cheveux pour les femmes. Des voiles et robes amples sont prêtés pour les visiteurs. Certaines d’entre nous, prévoyantes, ont déjà amené un foulard et peuvent entrer sans problème. Quant à moi, c’est la tenue complète que je me dois d’emprunter à la mosquée. J’entre donc dans ce lieu de culte vêtue d’un voile bleue et d’une large robe verte. C’est une première pour moi et je ne me sens pas tout à fait à l’aise dans cette tenue étant donné la chaleur qui règne à Istanbul. Mais c’est une façon supplémentaire de se plonger dans la culture musulmane.
La mosquée bleue est d’ailleurs le lieu idéal pour cette découverte. L’intérieur du bâtiment est aussi impressionnant que son aspect extérieur. Les murs sont ornés d’une multitude de carreaux en céramique colorés et de nombreux vitraux aux motifs complexes laissent passer la lumière naturelle. Des lustres richement décorés sont également présents pour éclairer l’immense monument dont le sol est recouvert d’un tapis rouge tout doux. Tant mieux car nous sommes tous pieds nus, tout comme les fidèles en pleine prière que nous pouvons apercevoir à l’autre bout de la pièce. L’atmosphère est paisible et nous restons silencieux devant la beauté des lieux, mais il me paraît étrange d’être ici en tant que visiteur à admirer l’endroit et à prendre des dizaines de photos alors qu’à quelques mètres, des gens sont venus ici exclusivement pour prier. Nous restons dans la mosquée bleue un bon moment puis nous sortons apaisés pour retrouver le soleil et nos vêtements habituels. Assis devant le monument pour attendre le reste du groupe, nous en profitons pour lire le petit carnet sur l’Islam et le Coran qui nous a été distribué à l’intérieur de la mosquée. Enfin nous quittons l’enceinte du bâtiment et nous nous faisons aborder par des vendeurs de tours en ferry autour du Bosphore ou des guides payants, qui n’hésitent pas à discuter avec nous en voyant nos airs de touristes. Ils sont très sympathiques et ouverts surtout avec les Français, mais ils sont aussi très insistants.
Nous décidons ensuite de visiter la fameuse mosquée Hagia Sophia, une superbe mosquée aux teintes rouges datant du 6ème siècle de notre ère. L’histoire de ce lieu est singulière. A l’origine une église orthodoxe, Hagia Sophia fut convertie en mosquée en 1453 après l’invasion de Constantinople par les Turcs Ottomans, puis transformée en musée sous l’impulsion de Kemal Atatürk en 1935. L’intérieur de ce musée/mosquée/cathédrale est aussi époustouflant que le laisse présager l’extérieur. Nous nous trouvons dans d’immenses pièces décorées de mosaïques, de lustres et de peintures. On peut facilement rester de longues minutes dans la contemplation des lieux tant il y a de choses à voir : Le mihrab, ce petit sanctuaire richement orné qui indique la direction de la Mecque, le « trou aux vœux » cet orifice dans un mur du bâtiment dans lequel on tourne son pouce en espérant le voir sortir humide, signe que notre vœux sera exaucé, et tous les ornements et peintures qui donne à ce lieu toute sa magie.
En sortant (affamés) nous marchons longtemps, traversons un pont et affrontons avec bonne humeur bon nombre de restaurateurs Turcs prêts à toutes les flatteries pour nous avoir à leurs tables. Nous déjeunons finalement dans un restaurant avec vue sur la mer. Puis nous décidons après quelque heures de ballade d’aller vers la place Taksim, lieu qui abrite le Monument de la République, construit en commémoration de la création de la république turque, et lieu des émeutes qui depuis plusieurs semaines ébranlent la ville et le pays entier. Mais lorsque nous arrivons nous sommes étonnés de voir la place totalement paisible, aucun manifestant mais tout de même un car de policier et quelque traces des émeutes (le consulat de France situé aux abords de Taksim est recouvert de tags).
Après un rapide dîner (c’est déjà le soir) et un saut dans une pâtisserie turque, nous rentrons à l’auberge de jeunesse pour retrouver le reste du groupe. La journée se termine par un verre et un moment de convivialité sur le toit de notre auberge, d’où nous avons une splendide vue nocturne d’Istanbul. Nous nous endormons avec des images pleins la tête et la promesse d’une nouvelle journée toute aussi animée dans cette ville magique.
Shadé
19 juin : deuxième jour à Istanbul
Aujourd’hui, c’est le dernier jour. Le dernier jour pour visiter le maximum de cette immense ville qui renferme tant de choses à voir, à faire, à goûter… Et aujourd’hui, nous partons en croisière ! Après avoir tenté en vain de faire du bateau-stop à 26, nous choisissons une croisière de deux heures le long du Bosphore. Tous armés de nos tee-shirts bleus et jaunes, c’est la dernière occasion de faire des photos tous ensemble. Et nous nous y donnons à coeur joie ! Chaque binome constitué pendant ce périple se rassemble chacun son tour autour de l’ultime pancarte “ISTANBUL”, l’occasion de se rappeler les moments forts vécus avec chaque partenaire. Nous profitons aussi de cette balade pour offrir à notre “papa” Mathieu une grande carte de l’Europe, où chacun a pu dessiner son trajet, comme remerciement pour ce projet qui nous a permis d’être tous présents à ce moment précis. On découvre le détroit du Bosphore, les innombrables mosquées qui longent la côte, on se rend compte de l’immensité d’Istanbul, la ville aux quinze millions d’habitants. On réalise aussi ce qu’on a fait : rallier l’Europe était notre but, et nous voilà maintenant tout au bout du vieux continent, aux portes de l’Asie.
En descendant du bateau nous nous dirigeons vers la Mosquée Bleue afin de prendre une belle photo de groupe. En trajet, Alice et moi décidons de marquer le coup en créant une chorégraphie sur notre hymne. Après une courte leçon de danse et l’installation de la caméra, nous voilà chantant et dansant sur l’une des places les plus célèbres d’Istanbul. Quel succès ! Les gens s’arrêtaient pour nous prendre en photo, pour nous regarder danser, en se demandant très certainement pourquoi 26 jeunes français portant le même tee-shirt faisaient un lip-dub à cet endroit en pleine heure de pointe. Les gens nous posaient des questions, certains venaient poser avec nous, beaucoup de rires se sont échangés. Certains nous demandaient même où est ce qu’ils pouvaient se procurer le tee-shirt ! (nous avons cependant un peu surestimé notre potentiel de choristes et la vidéo restera dans le bêtisier).
Une fois la séance photo-souvenir terminée, nous pouvons consacrer notre après-midi aux dernières activités. Certains iront au Grand Bazar ramener des babioles pour les cousins et grands-parents, d’autres préfèreront profiter du calme religieux de la grande mosquée pour se reposer et lire un bouquin. Kerstin Flora Shadé et moi partons pour le Bazar Egyptien, avec pour mission de trouver des loukoums. Très belle mission d’ailleurs puisque pour être sûr de ramener les meilleurs il fallait bien tous les goûter ! La journée s’achève par un dernier verre à la terrasse de l’auberge, la soirée commence par un dîner dans restaurant avec vue sur la mer. Dernière balade nocturne, le long des quais. Nous y trouvons un groupe de jeunes trucs qui font de la musique. Une clarinette, deux chanteuses et un tambour. Quel moment fort ! J’ai pu enregistrer une des chansons - Istanbul, Istanbul, Olali - très belle chanson turque. J’avoue qu’à ce moment l’émotion était palpable.
La dernière nuit s’est déroulée sous le signe de la fête. Nous avons remonté la grande avenue qui mène jusqu’à la place Taksim, avenue qui rassemble toute la vie nocturne d’Istanbul. Comme pour les restaurants, tous les bars et boîtes de nuit rêvaient de voir notre groupe entrer dans leur établissement, allant jusqu’à nous proposer des réductions et des cadeaux.
Benoît
20 juin : retour à Paris
Un réveil sonne, puis un deuxième, plus un troisième. On n’est jamais trop prudent lorsqu’on prend un avion. Nokia, Apple et leurs amis, tous sont là pour sonner le jour fatidique, celui de la fin de nos aventures. C’est la boule au ventre que nous nous levons, trop conscients malgré l’heure matinale qu’une page se tourne et que nos nouvelles expériences du jour se résumeront à réussir à prendre l’avion sans maman (quelques sardines de tentes seront notamment les victimes collatérales de cet exercice délicat où l’intransigeance des douaniers est de mise).
Après près de 30 jours de rencontres et d’école de la vie, quels souvenirs garder de ce voyage à travers l’Europe ? Tous si possible. Comment oublier toutes ces rencontres aussi improbables qu’insolites, mêlant dans une même journée un journaliste serbe avec des creuseurs de tunnel monténégrins, un rescapé du siège de Sarajevo et un pharmacien Kosovar ? 89 voitures différentes pour ma part, et autant d’histoires différentes, de points de vue opposés avec néanmoins toujours un point commun, la générosité et le désir du partage.
C’est ce même partage qui nous permet aujourd’hui de prendre l’avion, l’esprit plus sensible à la complexité du monde proche qui nous entoure et par la même occasion de la notion d’identité européenne. Cette complexité montra ses premiers signes lors de la transition entre l’Autriche et la Hongrie, deux pays à l’économie mais aussi à la culture très différentes où le ressentiment vis-à-vis des pays voisins commence à prendre forme. La poudrière balkanique est à portée de main, le travail de compréhension commence. La frontière physique croate est une nouvelle expérience, les récits et vestiges de guerre aussi. 1992 sonne pour moi comme l’année de ma naissance. Ici, les peuples se battaient, des gens mourraient. La guerre est partie, mais quelques mines antipersonnelles demeurent, faisant réfléchir au passage les plus téméraires souhaitant faire du camping sauvage au bon endroit où planter la sardine de tente.
L’entrée en Bosnie fut également l’occasion d’un changement radical d’environnement. Plus pauvre que la Croatie, ce pays n’aura laissé personne indifférent. Les premiers chants du muezzin résonnent, offrant à nos yeux encore occidentalisés le spectacle d’une contrée suisse montagneuse où les minarets auraient remplacé les clochés. L’entrée dans Sarajevo par la « Sniper Alley » nous ramène pourtant à la réalité qui, dans un passé bien trop proche, était faite de snipers et de lance-roquettes. Changement d’atmosphère donc, de religion, mais aussi de mentalité. En effet, les nuits chez l’habitant et autres cadeaux de toute sorte se multiplient, nous faisant repenser quelque peu honteusement à toutes nos appréhensions avant notre entrée dans cette partie de l’Europe. Il fut déroutant de constater en Bosnie, Serbie, Monténégro, Kosovo ou encore Macédoine cet étrange mélange de tensions entre les peuples et de générosité sans équivalent. « Si je voyais un serbe en difficulté, je ne suis pas sûr que je l’aiderais » disait mon hôte Kosovar, tout en me resservant pour la 3e fois une assiette à raz bord de mets délicieux préparés par sa femme spécialement pour nous. Comment expliquer un tel contraste ? Expliquer serait vain, on ne peut qu’échanger avec les gens, écouter leurs histoires et tenter de comprendre. Le dialogue, voilà peut être ce qui fait défaut.
Pour notre part, le dialogue n’aura cependant pas manqué et ce jusqu’à la dernière voiture. A l’heure des retrouvailles avec nos familles, bien contentes d’avoir également constaté indirectement qu’on peut traverser l’Europe en stop à 26 sans nécessairement se faire kidnapper par la mafia bulgare, une phrase résonne dans nos esprits encore bercés par nos aventures d’une vie : on l’a fait !
Marc